Dans ma quête du legging parfait, mon esprit avait été pas mal parasité par l’image ci dessus.
Sauf qu’ici, on ne parle plus de legging, mais de caleçon.
Rien à voir avec le caleçon d’origine que l’on portait à la fin des années 80 et qui m’avait laissé des souvenirs aussi impérissables que traumatisants.
Chez Isabel Marant, on parle davantage de caleçon / sous vêtement, réminiscence des dessous masculins d’avant guerre.
Qu’à cela ne tienne.
Ayant déjà fait l’acquisition du legging Maje, et frustrée que son rendu ne corresponde pas à l’idée que je voulais m’en faire, je me mis en quête du fameux caleçon de grand père.
En cela, il faut bien dire que j’avais été préalablement bien titillée par le post de Frieda, qui en modeuse avertie avait shoppé le sien dès cet été.
Premier barrage sur mon chemin, le prix.
C’est vrai, je le voulais mon legging / caleçon pas moulant du mollet et légèrement transparent. Mais pas à plus de 100 €. J’avais bien trop peur que la lubie ne soit, finalement et comme tant d’autres, que passagère et puis j’avais déjà investie dans le fameux Maje, que je n’aimais au final pas tant que ça…
J’en étais là de mes réflexions lorsque je finis par trouver un ersatz parfaitement potable au détour d’une vitrine. Et parfaitement abordable.
Je rentre direct dans la boutique, zieute rapidement autour de moi, et ne trouvant pas ce que je cherchais, avise la vendeuse.
J’appris ainsi qu’il existait un beige moutarde (épuisé), un gris clair (trop clair à mon goût) et un vert un peu foncé.
Je demande cette dernière couleur à la vendeuse, qui était déjà partie me chercher mon article, sans s’enquérir de ma taille. Après tout pensais-je, c’est son métier.
La gredine revint rapidement avec l’objet du délit, et ce dans la plus grande taille. Je checke rapidement l’étiquette et lui demande si c’est la dernière taille disponible, mais elle me répond que non, il y a toutes les tailles, et sur ce, fourbe parmi les lâches, tourne les talons, me laissant plantée et peinée devant les cabines d’essayage.
Bien sûr que je préfère une grande taille pour éviter le côté moulant honni, mais bien sûr aussi que je préfère le préciser moi même.
En plus, à vue de nez, il avait l’air d’être taillé super grand.
Le magasin étant bondé, j’attends mon tour pour qu’une cabine se libère. A l’intérieur, il n’y a qu’un miroir riquiqui sans aucun recul, donc obligation de sortir se mater devant l’immense miroir commun.
Je portais ce jour là mes sandales Asos cloutées et c’est perchée sur douze centimètres de talon et ceinte d’un informe sac en coton dix fois trop long, que je fis ma sortie de la cabine.
Là, devant le grand miroir, un silence gêné se fit à mon apparition. Une demi douzaine de personnes se retournent en même temps, les conversations s’arrêtent, du plomb liquide se met à dégouliner sur mes épaules.
Un peu plus loin, j’aperçois quelques fauteuils accueillant les conjoints des jeunes femmes qui essayaient elles aussi des trucs, mais des trucs élégants.
A leur regard tourné vers moi et à l’amorce de leur sourire au coin des lèvres, je compris qu’ils m’appréciaient. Je venais soudainement de les sortir de la torpeur dans laquelle tout mâle accompagnant sa dulcinée en séance de shopping, finit invariablement par sombrer. Et j’étais, bien contre mon gré, en train de leur fournir leur quart d’heure de détente de l’après midi.
Mais le plus dur fut quand mon regard me croisa, moi, dans le miroir. Je pense que si j’avais été à poil, ce n’aurait pas été pire.
Comme le caleçon était vraiment trop grand, je l’avais remonté au maximum à la taille, sans m’apercevoir que ce faisant, je perdais ainsi définitivement toute trace de bienséance.
De face, une horreur.
De dos ? J’avais l’impression que chaque gramme de cellulite jalousement gardée depuis des années sur les hanches s’était infiltré dans le tissu.
Les jambes, informes sous les centimètres de tissus plissés et tordus (je ne mesure pas franchement 1,80m) m’apparaissaient comme deux rondins attendant le bûcher.
Mais le pire était localisé sous les chevilles. Comme cette traitresse de vendeuse m’avait donné 3 bonnes tailles au dessus, j’avais remis mes chaussures pour prendre un peu (?) de hauteur et tenter de croire que je pourrais paraître élancée dans cette tenue.
Au bout de mes rondins recouverts de serpillères, les reflets argentés des clous me lançaient des imprécations vaudoues. Sous les clous, j’avais en plus, des chaussettes.
…
J’étais le ridicule faite femme.
…
Mortifiée, je n’osais plus bouger. Seul mon regard cherchait désespérément ma copine la vendeuse. Quand elle s’approcha pour me demander ce que j’en pensais, l’air goguenard et réjouie de celle qui a mis, bien volontairement, un peu de piquant dans sa morne après midi, je me retins de commettre l’irréparable.
Trop de témoins.
A la place, et d’une petite voix fluette, je me suis entendue lui demander poliment la taille en dessous, voire encore celle en dessous, parce que j’ai l’impression que ça taille grand, hein, vous croyez pas ?
Elle ne prit pas la peine de me répondre. De mon côté j’étais déjà partie me réfugier dans l’intimité bienveillante de la cabine.
Quand elle revint avec dans les mains une taille ce coup-ci adaptée, je compris en l’essayant, qu’au delà de toute paranoïa inévitable dans ce genre de situation, elle s’était offert une petite récréation dans son samedi après midi. J’irais même jusqu’à supposer que je n’étais pas sa première victime du caleçon.
Et là, bien sûr que c’était la bonne taille.
Et bien sûr, que si elle me l’avait apportée directement, on aurait gagné du temps.
Et bien sûr que j’aurais ainsi évitée de perdre brutalement, en l’espace de quelques minutes, toute dignité humaine.
Et bien sûr que si j’avais été normalement constituée, je serai partie sans me retourner, l’air hautain et scandalisé, lui laissant sa précieuse marchandise sur les bras.
Et bien sûr qu’au lieu de tout ça, je me suis faufilée jusqu’à la caisse en rasant les murs.
J’ai payé, l’air penaude et coupable. Et je me suis enfuie de la boutique fissa, chaloupant sur mes talons de douze et en équilibre précaire, priant pour que cette pénible leçon ne se transforme pas en carnage, les quatre fers en l’air sur le trottoir.
- Caleçon : Et Vous
- Gilet en grosse maille : Isabel Marant
- Sweat shirt : American Apparel
- Tee shirt : American Vintage
- Foulard : H&M
- Ceinture : Vanessa Bruno
- Bottines lacées : Mosquitos
Alors maintenant que je suis chez moi, sans témoins, et que je peux faire la maline devant l’objectif, une question continue de me tarauder.
J’ai bien compris la leçon des compensées et j’ai préféré ressortir mes vieilles bottines fatiguées, mais je me demande encore avec quelles chaussures je vais bien pouvoir porter ce caleçon.
Avec des bottes en daim, comme au défilé Isabel Marant ?
J’ai peur de finir tassée, rapport à ma taille n’ayant rien à voir avec celles des mannequins du défilé.
Alors si vous avez des idées, je suis preneuse.